Points de vue

De Villiers : la haine pour fond de commerce

Rédigé par Nadia Ben-Othman | Mercredi 26 Avril 2006 à 16:13

A l’aune de la sortie en librairie de son pamphlet intitulé les « mosquées de Roissy », Philippe de Villiers, candidat déclaré à la présidentielle de 2007, arpentait ce week-end plateaux télé et radios pour mettre en garde contre le danger imminent d’un attentat islamiste. De l’enregistrement de bagages à la montée dans l’avion, mode d’emploi islamophobe de l’infiltration terroriste à Roissy.



La menace barbue 


Invité samedi du 13h de Tf1, Philippe de Villiers commence ainsi son intervention : « l’islamisation de la France aujourd’hui, que je démontre en m’appuyant sur des enquêtes confidentielles qui sont parvenues au sommet de l’Etat, c’est quelques chiffres : 120 000 mariages forcés, 80 000 mariages polygames, le nombre des mosquées a été multiplié par seize en trente ans, soit 1700 mosquées auxquelles il faut ajouter 2000 mosquées supplémentaires qui sont en projet ». Voici donc comment un fléau qui menace la sécurité de l’Etat au plus haut point sévit. Une minorité qui perpétue la pratique de traditions blédardes et des musulmans qui souhaitent pratiquer leur culte dans des lieux reconnus et légaux. Et Mr De Villiers d’ajouter : « Ce sont 5000 militants salafistes, dont certains sont liés aux milieux terroristes, qui vaquent librement sur le territoire sans être autrement inquiétés et ce sont nos aéroports eux-mêmes qui sont infiltrés ». Le cadre est donc posé. La menace est partout, et l’Etat dans son inertie et sa complaisance à l’égard de musulmans à qui il accorde la construction à gogo de lieux de culte, serait totalement dépassé et fermerait les yeux sur des menaces imminentes d’attentat.

La poudrière Roissy


A grand renfort de « rapports secrets » et d’ « enquêtes confidentielles » qu’il s’est procuré dit-il, par le biais « d’agents de renseignement désespérés de voir que des notes arrivées au sommet de l’Etat restent sans réponse », le « porte parole des français tranquilles » invité du Grand Rendez-vous (Europe 1/ TV5 Monde/ Le Parisien) ajouta de l’eau à son moulin en mettant des noms sur la menace. « Ahmed », « Tarek », « Malek », bagagistes, agents de Fret, ou simples employé de société de courrier. Tous présumés terroristes, tous d’après lui « fichés S », S pour sécurité. Soit des menaces ambulantes pour la sûreté de l’Etat auxquels les accréditations nécessaires pour travailler sur le tarmac ont pourtant été accordées. Incroyable quand on connaît les procédures de vérifications, drastiques depuis le 11 septembre, qui sont opérées avant l’octroi de telles autorisations. Mais pourtant vrai, d’après Monsieur de Villiers. D’aucun aurait même été abordé par les services secrets libyens « pour commettre un attentat contre la Saudi Air Lines ». D’autres seraient d’après leurs fiches de renseignements « fervent admirateur d’Oussama Ben Laden » ou encore « membre d’Ansar al Islam, organisation que je connais pas mais qui ne m’inspire pas confiance, et qui recrute des kamikazes pour commettre des attentats en Irak ». Et de renchérir par « les couloirs sous les pistes d’atterrissage sont truffés de mosquées clandestines et 700 sociétés sont en cours d’infiltration par des islamistes fichés S ». A se demander à quoi sont payés les services de renseignements qui jour et nuit surveillent sans relâche les moindres faits et gestes de la communauté musulmane. Et à quoi servent les réglementations draconiennes de recrutement lorsque des personnages aussi dangereux, « qui se comptent par centaines », manipulent nos bagages et jouent avec nos vies en toute impunité. Le tout en se gardant bien de dire que certains de ces fameux rapports secrets ont été démentis par les renseignements généraux.

Le marketing islamophobe


Philippe de Villiers assurait pourtant « ne pas parler comme un polémiste ou un pamphlétaire ». Mais à l’entendre, lui qui se dit inquiet pour la sécurité et les intérêts de la France, il est permis d’en douter. Pourquoi, avec tous les éléments, pour le moins alarmants, dont il dispose, n’est-il pas allé trouver les plus hauts responsables du pays pour les alerter de la menace ? Il est vrai que cette solution aurait été beaucoup moins lucrative, que ce soit en termes financiers ou électoraux. Car la sortie de son livre fait suite à sa déclaration de candidature à la présidentielle de 2007. Après la Turquie, le thème de l’islamisation se veut populiste et racoleur à souhait, dans un contexte social et national encore marqué par les séquelles des émeutes en banlieue et des débats sur le post-colonialisme. Tout tombe à point nommé. De Villiers marche allègrement sur les plates bandes du FN avec qui il refuse pourtant de s’allier au motif que J-M Le Pen soutient « l’Iran, dirigé par un fou furieux, et qui veut se doter de la bombe atomique islamiste ». Rappelons que leurs divergences ne se limitent pas à ce point précis, et qu’une procédure judiciaire engagée par le FN pour plagiat de site internet est en cours à l’encontre du Mouvement Pour la France, parti de Philippe de Villiers. Bonnet Blanc ne supporterait-il pas Blanc Bonnet ? Rien n’est moins sûr puisqu’il déclare « je ne m’intéresse pas du tout à JM Le Pen, je m’intéresse à la France ». Surtout que De Villiers se reconnaît le mérite d’avoir levé « le tabou du débat sur l’islamisation » en demandant une commission d’enquête parlementaire et un débat public avec Nicolas Sarkozy portant sur l’infiltration islamiste. Malgré cela, le MPF n’est crédité que de 4% des intentions de vote…

Délit d’islamité


On était habitué aux déclarations sulfureuses de Philippe de Villiers. L’an dernier il avait déclaré « l’islam est le terreau de l’islamisme et l’islamisme est le terreau du terrorisme ». Affirmation raciste et déjà tendancieuse. Mais dimanche soir, il est allée encore plus loin en assurant « je pense qu’il y a des musulmans modérés, c’est même l’immense majorité, mais je ne crois pas qu’il y ait un islam modéré, l’islam n’est pas compatible avec la République en raison de trois principes : l’oumma, la charia, et enfin le djihad ». Souhaitons qu’à la différence du principe « la France tu l’aimes ou tu la quittes », repris par Nicolas Sarkozy, celui-là reste l’apanage des extrémistes.